TIBO LABAT

NÉ EN 1984, NANTES, FRANCE

TIBO LABAT — Architecte et activiste, il a pris la tangente du champ de la construction pour mieux s’intéresser à l’existant, aux situations et aux réemplois des matériaux. Il est un membre fondateur du collectif Fertile qui s’attache à révéler et à faire vivre les friches et interstices des métropoles. 
Il a coordonné Tuvalu, une exploration avec l’artiste Stefan Shankland, qui interroge les thèmes du métabolisme urbain, des flux globaux de matériaux et de la régénération des sols.
Depuis dix ans, il organise des «explo», temps de déconstruction des expertises en marchant à plusieurs. Ce qui l’a mené à poser ses valises dans «l’habiter en lutte» du territoire de la ZAD à Notre-Dame-des-Landes.

Quels idéaux et quels enjeux représente(nt) pour vous la(les) transition(s) ?

Les transitions figurent une mise en mouvement que l’on trouve vitale, ici c’est notamment autour de la question écologique. Comment se détacher de nos affects toxiques à la société de consommation, prédatrice de ressources, pour retisser des liens avec humains et non humains à travers ce qui nous est proche ? Cependant plus on explore la notion de transition, plus elle peine à nous aider à réfléchir, tant le mot est récupéré par des instances qui semblent allégrement l’utiliser pour que tout reste à en place. Ces confusions sémantiques amenuisent les idéaux développés dans les années 2000 par le réseau des villes en transition. Partout, les enjeux semblent de plus en plus considérables, et nos sociétés bougent peu, c’est sans doute à cet effet de sidération qu’il faut échapper pour trouver des chemins joyeux de transition.

En quoi l’actualité fait-elle évoluer votre projet artistique ?

L’actualité est un étrange mécanisme, qui bien trop souvent nous rend spectateurs ou commentateurs de tout un tas d’événements. Elle retarde la prise de recul et la possible mise en geste. Tout en déployant des pratiques artistiques intégrées à la vie, nous restons attentifs aux signaux faibles, en essayant de comprendre comment les alternatives auxquelles nous participons évoluent mais aussi en regardant d’autres endroits, d’autres mécanismes, d’autres pratiques. Ne pas rester dans une bulle confortable. L’avènement du mouvement des Gilets Jaunes, malgré les multiples charges qu’il a du subir, connecte bien avec les dimensions complexes, non linéaires, polylémiques qui demandent à être traversées par les transitions. Comment imaginer une transition forte de justice climatique et sociale ? Ainsi les ronds-points transformés en joyeuses cabanes, en lieux de débats et d’échanges, en lieux de réveil des relations aux proches, aux voisins et voisines, parlent de mise en geste pour de possibles transitions, pour des révolutions sensibles et collectives.

Quelques mots sur votre expérience — effective ou rêvée — en tant qu’artiste en résidence.

L’expérience rêvée de la résidence, c’est l’idée de se déconnecter un temps des milles réseaux et projets dans lesquels on peut être engagé. Ici, une approche collective est proposée. L’organisation de la Randonnée-Exploration, nous a permis d’aller de l’avant pour rencontrer des personnes actives et interconnectées sur les territoires de la vallée et des causses. Avec cette rando on a voulu expérimenter une sorte de débat mobile avec différentes communautés (YA+K, personnes impliquées dans des démarches de transitions, habitant.e.s du Lot), qui puissent dans un temps court et mobile entrer en bienveillance et faire un mouvement en commun. Une des belles énergies me semble venir de la co-existence entre des personnes qui se connaissent depuis une dizaine d’années et des personnes qui débarquent là sans trop savoir où. Tout ça dans une alchimie bienveillante et marrante.

Qu’est-ce que l’art vous permet d’accomplir ?

Une belle question que la résidence va peut être m’aider à élucider. En tout cas, de façon assez intuitive, l’art m’aide ici à articuler collectivement les changements de regards et les gestes à faire ensemble, pour que ces transitions restent engagées, désirables, drôles, inclusives et joyeuses.