FRANÇOIS MARTIG

François Martig est né en 1978. Il vit et travaille entre la Belgique et la France.
Artiste et également ingénieur du son pour le cinéma et l’audiovisuel, il est aussi membre actif de l’association Mono-Mono, spécialisée dans les projets d’arts actuels à la croisée des arts visuels et du son dans des espaces inusités.
Il développe un art du déplacement pour une pratique active du paysage. « Un paysage est révélateur de notre manière de vivre socialement, politiquement, économiquement » dit l’artiste. Ses recherches questionnent la biodiversité dans les milieux dégradés, les zones en friches, ou les sites post-industriels. Son travail (films, pièces sonores, installations, documentaires radiophoniques) s’inscrit dans une pratique protéiforme révélant les problématiques politiques, économiques, mémorielles et esthétiques qui déterminent secrètement le territoire.

En résidence pour Faire communs, Parcours d’art contemporain en vallée du Lot, il met en place une ligne téléphonique au numéro unique, un répondeur :
Soyons à l’écoute de nos vies…
05 36 08 01 52

F.M. : Actuellement le « vivre ensemble » est malmené par le confinement dû au Covid-19 mais qu’ils soient rouges ou blancs les signes de notre colère sont parfois bien visibles dans l’espace public. Les chiffons rouges me sont particulièrement chers depuis le documentaire radio et l’installation que j’ai réalisés sur la radio Lorraine Cœur d’Acier (LCA) en 2011 pour les 30 ans de la radio libre. Cette radio pirate fut fondée en mars 1979 par la CGT dans la ville de Longwy, en Meurthe-et-Moselle, pour lutter contre les fermetures d’usines dans le milieu sidérurgique. Le projet de résidence artistique dans le Lot nous confronte à un contexte géographique et social bien différent. L’urgence de parole est quand même là.

Nos récits n’ont pas de prix
Une incitation à la parole et à la subtilité de nos vies. Un véritable journal de confinement puis de déconfinement ne vaut d’exister que s’il permet de saisir le social. C’est dans les récits laissés sur ce répondeur, messages bruts et brefs où les réflexions profondes, sans aucune hiérarchie ni sélection à posteriori, que l’hétérogénéité existera et laissera à l’autre une place pour exister. Ces bouteilles à la mer, surgies d’ici ou de plus loin, j’ai pour projet de les faire entendre.

Ces témoignages, anonymes ou non, enregistrés sur répondeur seront diffusés dans le ciel étoilé du « triangle noir » du Parc Naturel Régional des Causses du Quercy, le ciel le plus noir de France, exempt de pollutions lumineuses… Ainsi il s’agit d’ une chance de pouvoir nous réapproprier notre ciel étoilé au temps où ce ciel nocturne est menacé par la multiplication des éclairages artificiels mais aussi notamment par le projet capitaliste Starlink*. « Nos récits n’ont pas de prix » est donc un moyen citoyen de dire à travers l’art que nous sommes vivants et attentifs à notre monde.

Au centre d’art, devant l’image composite du ciel zébré des passages de Starlink, nous écoutons les bruits vivants de la nuit. Sur les sites choisis dans la vallée, les yeux levés vers le ciel nocturne aux heures programmées des passages des satellites, nous découvrons les voix cousues par François Martig de la « subtilité de nos vies », messages laissés sur le répondeur.

Pour accéder aux sons et à la carte de suivi des satellites, connectez-vous sur : http://nosrecitsnontpasdeprix.space/

Interview de François Martig par Antenne d’Oc, 10 juillet 2020, à écouter en podcast

*En ce moment, nous avons au-dessus de nos têtes plus de 4.000 satellites artificiels, dont une moitié est en activité. Météo, télécommunications, GPS, outils scientifiques et militaires, le nombre de ces objets augmente de manière exponentielle depuis les années 2010. Starlink, le projet de réseau internet très haut débit à couverture mondiale développé par l’entreprise SpaceX du milliardaire Elon Musk (Tesla), prévoit d’expédier dans l’espace jusqu’à 42.000 nouvelles ferrailles technologiques dans les années qui viennent. Contrairement aux satellites lancés par les différentes agences spatiales, objets uniques et coûteux, dont le développement prend des années, les satellites de Starlink sont des choses jetables, produits industriels de masse, peu chers et relativement faciles à fabriquer, comme les smartphones auxquels ils sont dédiés. http://gap47.astrosurf.com/index.php/ressources/le-scandale-starlink/

Que vous inspire le titre « Faire communs » ?

F.M. : Le drap blanc et les chiffons rouges qui flottent mondialement aux fenêtres… À Bogota, les chiffons rouges apposés aux fenêtres des barres d’immeubles, brandis sur le trottoir ou au milieu de la rue à l’occasion de manifestations pacifiques, deviennent le nouvel emblème de la colère. Ailleurs, les draps blancs ne sont pas seulement synonymes de soutien aux soignants : aux États-Unis, en Espagne ou au Canada, ils sont devenus l’emblème d’un nouveau « réagir ensemble ».

Qu’est-ce que l’art vous permet d’accomplir ?

F.M. : L’art peut devenir le stratagème qui m’incite à faire autre chose. Il est à considérer avec une minuscule. Quand il revêt une Majuscule, il devient un outil de représentation du pouvoir et il est bon qu’il soit renversé !